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Section 1 : La doctrine française consécutive à la Libération
La libération est un moment d’intense réflexion sur la discipline que le droit peut apporter au fonctionnement des marchés. L’une des croyances de la libération : les questions économiques ne doivent plus être considérées comme secondaires = deviennent aussi importantes voir plus importantes que le droit constitutionnel et l’organisation des pouvoirs politiques.
On peut le voir à travers les écrits de Jean MONET -> consistent à dire qu’il faut s’occuper du marché commun avant de s’intéresser à l’organisation politique. Cette doctrine n’est pas isolée.
Au sein de cette réflexion, il y a une autre conviction qui émerge : la crainte envers les entreprises notamment les plus puissantes d’entre elles. C’est un sujet central en France à partir de la fin de la 2GM.
GEORGES VEDEL un article en 1945: il compare les démocraties libérales de l’ouest et la démocratie soviétique de l’est. Dans cet article, on lit cette crainte de la puissance privée -> considère que les révolutionnaires de 1789 n’avait pas anticipé les conséquences de la liberté de commerce et du droit de propriété privée conçue comme un droit absolu.
Pour lui, ces libertés économiques dégénèrent en dictature (dictature des entreprises privée).
Il écrit un autre article en 1954: « l’Etat débordé ». il développe l’idée selon laquelle la souveraineté, dans le monde économique, n’est plus entre les mains des Etats. Il explique que l’échelle étatique n’est plus la bonne et qu’il faudrait recourir à une Union européenne
GEORGES RIPERT publie un livre sur l’aspect juridique du capitalisme dans lequel il considère que les grandes entreprises sont des « monstres juridiques ».
C’est dans ce contexte général que seront adoptés des textes développant ces nouvelles convictions : il faut régir la matière économique du fait de son importance et il faut s’intéresser au phénomène des grandes entreprises privées.
On peut le voir à travers les préambules de 1946 (un préambule a été rejeté et un autre adopté).
Dans le 1er texte (le projet rejeté) : on lit cette attention à la vie sociale et économique -> "chacun a droit au repos et au loisir", protection du droit de propriété privée, affectation de la propriété privée à l'IG (le droit de propriété ne peut s'exercer contrairement à l'utilité sociale"
Dans le 2nd texte (adopté) : on lit cette même attention au fonctionnement concret des entreprises : le droit de grève, la participation des travailleurs à la gestion d’entreprise, …
Sur la base de ces textes, ont été adoptées des séries de politiques et certaines sont encore d’actualité. Les politiques illustratives de cette doctrine :
La démocratie économique
C’est une expression qu’on trouve dans le programme des résistants de 1944. Elle trouve immédiatement des déclinaisons juridiques
Discours CDG 1947 : il faut réussir à installer en France un régime d’association afin de faire travailler ensemble toutes les parties intéressées à la vie économique.
Cette démocratie économique vaut aussi bien au niveau national qu’au niveau de l’entreprise
Au niveau national : création du conseil économique et social (aujourd’hui aussi environnemental) -> il s’agissait de faire entendre au niveau national les intérêts catégoriels dans l’entreprise
L’idée générale c’est que chaque citoyen français se trouve représenté 2 fois : représenté politiquement à l’AN et représenté pour le métier qu’il exerce au sein du CES -> la démocratie politique ne suffit plus. La 1re mission de cet organe était de réfléchir à la planification avec le commissaire au plan : il a un pouvoir d’avis donné à l’AN
Au niveau de chaque entreprise : il faut introduire le droit constitutionnel au sein des entreprises.
Il faut penser l’entreprise comme une puissance cad qu’il faut se convaincre que les entreprises en une mission dans la société et qu’il faut faire attention à son organisation interne. Il faut penser l’entreprise comme un pouvoir et par conséquent il faut organiser les pouvoirs en son sein.
PAUL DURAND publie un article consacré à cette question en 1947 dans lequel il dit que l’entreprise est à l’image d’une société politique (un chef, une assemblée et il faut organiser les pouvoirs entre ces organes)
Deux textes illustratifs de la démocratie économique au sein des entreprises :
Ordonnance de CDG 1945 institue des comités d’entreprises afin « d’associer les travailleurs à la direction de l’économie et à la gestion des entreprises. Il faut réaliser l’union fécond de tous les éléments de la production. Le chef d’entreprise est responsable de son affaire devant la nation ».
Ordonnance de CDG 1947 relatif à la participation des salariés aux fruits de l’expansion de l’entreprise. L’exposé des motifs dit qu’il est « indispensable que patrons et salariés partagent le fruit d’un effort commun parce qu’ils concourent ensemble au développement de l’entreprise »
Les nationalisations
Cette prise de propriété par l’Etat est survenue dans de nombreux secteurs, à titre parfois de sanction pour des faits de collaboration (avec les Allemands)
Les 2 principaux secteurs concernés par les nationalisations étaient la monnaie (banque) et l’énergie (richesses naturelles et électricité) VS aujourd'hui Les 2 principaux secteurs concernés par les nationalisations étaient la monnaie (banque) et l’énergie (richesses naturelles et électricité).
L’un des textes emblématiques de ce principe de nationalisation c’est l’alinéa 9 du Préambule de 1946.
LOI AVRIL 1946 nationalisation générale du secteur de la production jusqu’à la vente -> cette nationalisation prend la forme juridique d’un établissement public industriel et commercial = structure largement soumise au droit privé et d'autre part elle est dotée d'une certaine autonomie vis-à-vis de l'État.
Le Ministère de l’Économie va développer, dans les années 50, son contrôle de tutelle. Par exemple dans un décret du 9 août 1953 qui concerne toute forme d’entreprise publique et qui s’étend même à toute entreprise ayant reçue une garantie étatique (soutien étatique donc même des entreprises privées).
Ce décret énonce qu’il devient indispensable d’étendre le contrôle étatique sur ces entreprises et leurs filiales. Cela s’explique par 2 raisons
Trop d’autonomie risque de porter atteinte au Trésor public : il faut contrôler ce que font les chefs des entreprises publiques
Il faut orienter la gestion de ces entreprises (« entreprises nationales ») vers les objectifs qu’elles ont pour mission de servir
Aujourd’hui en 2024, on essaye d’installer l’idée que les entreprises même privées ont un devoir de vigilance sociale et environnementale. Entre autonomie et contrôle des entreprises publiques : il y a des questions toujours présentes.
Rapport de NORA de 1967 relative aux entreprises publiques. Il essaie de convaincre qu’il faut que les entreprises publiques gagnent en autonomie : « la France évolue dans un contexte de concurrence internationale. Les marchés sont ouverts ou vont s’ouvrir ».
Le marché européen est inévitable -> toutes les entreprises françaises notamment les entreprises publiques doivent s’adapter, anticiper. Les entreprises publiques doivent sortir d’une économie administrée avec un contrôle étatique.
C’est un document important parce qu’il prépare les esprits à un avènement prochain de la mondialisation.
La même année, le gouvernement français prend une ordonnance en 1967 relative au droit de la concurrence -> cette ordonnance s'applique à toutes les entreprises. De la même façon que le rapport Nora, l’ordonnance explique que « l’avènement du marché commun européen est inévitable. Toutes les entreprises françaises y seront bientôt pleinement soumises et doivent s’y préparer. Les entreprises doivent avoir pour seule finalité la satisfaction des besoins des consommateurs »
La planification
C’est une politique suivant laquelle l’Etat organise sur plusieurs années le développement des secteurs économiques -> cette politique était centrale dans ces années
Création du commissariat dont le 1er titulaire était Jean MONNET : le commissariat devait proposer 6 mois plus tard un plan général pour moderniser le pays. Ce document sur une certaine méthodologie
Une confiance dans les enquêtes et les chiffres : c’est une logique chiffrée. Le commissaire au plan peut réaliser toutes les enquêtes statistiques qu’il souhaite. C’est concomitamment qu’est installée en France l’INSEE
La planification est pluriannuelle, c’est une projection dans le temps (5 ans)
La planification est démocratique : elle devait être approuvée par l’Assemblée nationale (AN). Il y avait des lois de planification
La planification n’était pas impérative (même si c’est adopté par l’AN ce n’est pas impératif). Les concepteurs du plan ont tenté d’imaginer un système d’efficacité par la discussion. Les commissaires se réunissaient avec des représentants de chaque secteur économique pour penser ce développement quinquennal (politique de la salive).
Le successeur de JEAN MONNET c’est JEAN MASSE qui publie le plan de « l’antihasard ». Selon lui, il faut concevoir tout activité économique comme « une aventure calculée ». Grâce aux mathématiques/chiffres, on peut organiser l’avenir.
DONC, on voit que le droit n’est plus seulement littéraire mais il est parsemé de chiffre et de tableau, le droit n’est pas seulement impératif et le droit à cette ambition d’organiser le futur.
CC 1982 (sur une loi sur la planification) : en aucune manière le plan en France pouvait être impératif car ce serai trop contraire à la souveraineté nationale (le souverain devrait pouvoir voter des lois indépendamment de quelconque planification)
En 1992 avec la signature du Traité de Maastricht, la planification s’arrête. Cette politique parait contraire au principe d’économie de marché où la concurrence est libre.
Politique interventionniste de réglementation des activités économiques
L’Etat en vient à encadrer le fonctionnement du marché par une série de mesures. Parmi ces mesures :
Après-guerre jusqu’en 1986 : une règlementation des prix a existé en France -> une ordonnance de 1945 donnait cette compétence au ministère de l’Économie : réglementer par voie d’arrêté le prix dans chacun des secteurs économiques.
Le ministère pouvait faire 3 choses sur la base de ce texte :
Fixer un prix maximum et un prix minimum au-delà desquels le vendeur ne peut pas aller
Fixer le prix
Fixer la marge que retire le vendeur
VS Ordonnance de 1986 prévoit que les prix sont désormais libres en France.
L’Etat et les collectivités disposent de la compétence pour créer un service public faisant concurrence à des entreprises privées qui exercent sur le même secteur
Avant, c’était une compétence qui a été beaucoup réglementée par la JP (CE CHAMBRE SYNDICALE DU COMMERCE DE NEVERS : la création de SP est possible en cas de circonstances particulières de temps et de lieu).
A la libération, la JP a été étendue : le CE a admis que les circonstances qui permettent à l’Etat ou aux CT de créer un SP sont des circonstances qu’on pourrait qualifier de qualitatives. Les entreprises privées ne feraient pas assez bien leur travail (pratiquent un tarif excessif, proposent un service insuffisant) qui entraine la création d’un SP concurrent.
En conclusion de cette section, quelques mots sur l’Université car le cours de DPE a été créé à Science Po Paris pour la rentrée de septembre 1946.
L’institut d’études politiques de Paris est supprimé à la Libération (il était très marqué par le régime de Vichy) et le gouvernement de CDG (Michel Debré) décide de refonder l’Etat en créant 2 institutions universitaires : l’école nationale d’administration et Science po Paris
Le cours de DPE a été inventé dans les réunions préparatoires du nouveau science po. L’originalité de cette matière : c’est une matière qui, à l’origine, repose sur 2 grandes convictions :
Le droit est désormais une matière secondaire. Les matières au premier plan sont la sociologie et l’économie politique. Pour Debré « la souveraineté du droit n’existe pas » donc il faut proposer des cours qui soient un entremêlement de matières.
De cet entremêlement permanent des matières, naîtra un droit nouveau. Le dépassement de la frontière entre droit privé et droit public est une constance du cours de DPE
Le 1er professeur de DPE en France était BERNARD CHENOT : il ouvre son cours par la conviction qu’un droit nouveau existera bientôt (un droit qui dépasse la frontière droit privé/public)
. A l’époque, le cours de DPE se voulait non conceptuel (pas de raisonnement abstrait). Le DPE apporterait un raisonnement concret -> le cours de DPE commençait par les statistiques "tableau de l'économie française"
Il avait cette formule « ce sont les faits qui commandent » (le concret commande le droit). C’est l’inverse de ce qui est fait aujourd’hui en droit.
Le cours arrive à l’Université d’Assas qu’en septembre 1968. Le 1er titulaire du cours était ANDRE DELAUBADÈRE. Il voulait s’émanciper de ce que faisait Science po : selon lui le cours de DPE est un cours qui permet d’étudier non pas les notions juridiques mais le fonctionnement concret de chaque secteur économique
L’une des novations apportées par cette nouvelle matière : concevoir un cours juridique en partant, non pas de grands principes, mais en partant des données économiques
JEAN Fourastié explique que le droit n’est qu’un outil au service de finalités économiques supérieures à lui. Le grand espoir du 20e siècle pour lui c’est la primauté des raisonnements économiques sur toutes les autres sciences sociales
II- Le droit public économique : une réflexion académique
L'institut des études politiques de Paris a été supprimé après la Libération (fortement marqué par le régime de Vichy) et le nouveau gouvernement (notamment Michel Debré) veut refonder l'Etat. C'est dans ce contexte qu'est crée Science Po Paris
On retrouve le cours de DPE dans les travaux préparatoires pour la création du nouveau Science Po. L'organisation économique paraît comme une matière essentielle. Le cours de DPE est original car repose sur 2 convictions
Le droit n'est pas la matière la plus importante, passe au 2nd plan derrière l'économie politique et la sociologie. Michel Debré dit que le droit n'est plus souverain. Il faut proposer des cours qui soient un entremêlement des matières
De cet entremêlement de matière va naître un droit nouveau qui va dépasser les frontières entre le droit public et le droit privé
Le 1er professeur de PDE : Bernard CHENOT
Affirme que le DPE transcende la dichotomie public-privé
Ouvre son premier cours par un tableau statistique sur l'économie FR : il part de l'analyse des faits. Ce sont les faits qui commandent le droit