Il va sans dire que ces différents acteurs du Hadj entretiennent entre eux des relations plus ou moins tendues, voire conflictuelles, en raison de la variété de leurs fonctions et de leurs divergences d’intérêts. Chacun est confronté aux impératifs et aux difficultés de son métier : superviser le Hadj dans sa globalité, constituer une caravane, diriger un hôtel, gérer l’argent du pèlerinage relèvent d’exigences professionnelles distinctes, qui peuvent être contradictoires. En outre, le partage du formidable gâteau que représente le marché du pèlerinage aiguise les contradictions entre ses opérateurs, dûment sélectionnés, et frustre les agences qui en sont exclues. L’OHP centralise la manne et la redistribue, selon des critères qu’elle seule connaît. Et Saadat et les agences et les kargozar s’en plaignent, ne serait-ce que parce qu’ils sont en première ligne pour recueillir les récriminations. Mais, au sein de chacun de ces groupes d’acteurs, de nouvelles tensions apparaissent au gré du statut des uns et des autres, par exemple entre les modir des caravanes et les propriétaires d’agence qui perçoivent une somme forfaitaire par tête de pèlerin sans endurer les fatigues et le stress du voyage. Ce à quoi s’ajoute le télescopage entre la logique lucrative et la logique du bénévolat : les uns tirent de l’argent de la gestion du Hadj ; les autres y contribuent à titre gracieux, mais profitent d’un billet et d’un séjour gratuits et d’un surcroît de prestige social, tout en escomptant un bénéfice ultérieur, un peu à la manière d’un stagiaire non rémunéré dans une entreprise, pour pouvoir arguer de cette expérience et la faire figurer sur leur c.v. afin d’être recrutés en bonne et due forme.