L'Asie centrale : trou noir ou nouvel Eldorado ?

Présentation

Près de trois décennies plus tard, entre problèmes liés à la permanence de régimes autoritaires, conflits identitaires, pauvreté et corruption, mais dans le même temps exploitation des ressources naturelles et rapprochement sensible avec la Chine, cette zone ne peut être ignorée des géopoliticiens, en particulier en marge de la guerre en Afghanistan et des risques de contagion qu'elle porte.

La zone est au coeur des développements de la BRI et reste un foyer d'insécurité.

A la chute de l'URSS, les 5 républiques venant d'obtenir leur indépendance, n'étaient pas destinées à un bel avenir.

Permanence des régimes postsoviétiques

Seul l'Ouzbékistan, depuis la mort d'Islam Karimov en 2016 semble s'orienter dans la bonne direction, mais il convient de rester prudent.

La démission surprise de Nursultan Nazarbaïev en 2019, après 29 ans au pouvoir au Kazakhstan, est à ce titre l'illustration de la prudence dont il convient de faire preuve. Bien qu'ayant cédé la présidence au profit de Kassym-Jomart Tokaïev, Nazarbaïev a conservé une influence considérable sur son pays puisqu'il reste à vie à la tête du Conseil de sécurité du Kazakhstan et continue à diriger le parti au pouvoir.

Pratique du culte de la personnalité courante (ex : président turkmène, Saparmurat Niyazov)

Une loi votée déjà en 2018, lui garantissait l'immunité judiciaire. Il a également installé sa fille Dariga Nazarbaïeva à la présidence du Sénat. Il a rebaptisé la capitale Astana en Nursultan

Historiquement, la zone n'a pas connu d'expérience démocratique. L'indépendance a donné lieu à un discours nationaliste, ne laissant qu'une place secondaire aux processus de démocratisation. Cela s'explique par la persistance de structures héritées de l'URSS, le maintien en place des élites bureaucratiques déjà au pouvoir avant l'effondrement de l'URSS et un certain conservatisme, voire une apathie politique des populations locales.

A la chute de l'URSS, les populations d'Asie centrale ne se sont pas battues pour obtenir leur indépendance. Ce qui explique que le paternalisme et l'autoritarisme sont des tendances traditionnellement présentes à tous les niveaux dans les sociétés centre-asiatiques

La plupart des pouvoirs étatiques de la région sont initialement sortis renforcés de la campagne lancée par les États-Unis en Afghanistan. Conscients de la bienveillance de Washington à leur égard, ces États ont choisi au mieux l'immobilisme, mais plus généralement le durcissement de leurs tendances autoritaires. La lutte contre le terrorisme a aussi servi dans certains cas de prétexte à une répression accrue contre les opposants.

Mais cette situation a également attiré l'attention de la communauté internationale sur la situation réelle de chacun de ces pays et pourrait dans la durée avoir un impact sur ces régimes politiques.

Nationalismes et conflits interethniques

Le Kazakhstan, ou l'espoir des hydrocarbures

En 2010, Och, la deuxième ville du Kirghizstan a été le théâtre de pogroms anti-ouzbeks a réveillé le nationalisme ouzbek, on pourrait assister à la remise en question de plusieurs frontières et à l'exacerbation de tensions que les régimes autoritaires sont jusqu'à présent parvenus à contenir. Le nationalisme ouzbek pourrait trouver dans l'islamisme un allié objectif, comme cela a été le cas avec les talibans en Afghanistan

En contenant à la fois les tentations nationalistes et le radicalisme religieux, les régimes politiques parviendront à faire entrer les pays de la zone dans la modernité. S'ils échouent, cette zone pourrait rester encore quelques décennies en marge du monde. C'est pourquoi ils se tournent volontiers vers la Chine, depuis le retrait occidental d'Afghanistan, à la fois par le biais d'accords commerciaux et par la mise en place d'un mécanisme sécuritaire (Organisation de coopération de Shanghaï).

La rigidité des frontières des États en 1991 ne recoupant pas véritablement l'imbrication historique du peuplement régional, des problèmes transfrontaliers de minorités régionales ont émergé

Mais il y a une méfiance à la montée en puissance de la Chine, ce qui conduit à s'interroger sur la capacité de la Chine à s'y implanter durablement. Il s'agit d'un enjeu majeur car c'est le point de rencontre pour le développement de la BRI notamment en direction de l'Europe et du Moyen-Orient.

Le nationalisme est demeuré marginal à la fin de l'URSS car il a été étouffé par les dirigeants soviétiques, toujours au pouvoir, qui formaient une classe dirigeante vieillissante dont la succession demeurait incertaine.

Riche aussi en fer, en chrome, en manganèse, en or et en uranium

La Chine est un acteur de premier plan dans le secteur des hydrocarbures au Kazakhstan. Fin 2005, elle a inauguré un oléoduc destiné à importer sa production dans l'ouest de son territoire. Un autre devrait voir le jour à travers la Caspienne. Ces deux oléoducs sont à ajouter à ceux du nord passant par la Russie.

La chance du pays est son sous-sol, seizième exportateur de pétrole, il pourrait faire partie des 5 premiers dans la décennie à venir lorsque le gisement géant de Kashagan, en mer Caspienne, produira à plein.

Proche de Moscou et de Pékin, l'Europe manifeste aussi sa volonté de jouer un rôle stabilisateur dans la région.

Le pays essaye de se place au milieu des grands flux de marchandises.

Perspectives

Les promesses liées à l'exploitation des sous-sols dans la zone se traduiront-elles dans la durée par des évolutions politiques notables ? Rien n'est moins sûr, mais ces pays représentent un intérêt pour le reste du monde et sont dès lors sortis du "trou noir" théorisé par Brzezinski au milieu des années 90. Reste à concrétiser ces nouvelles dynamiques en opérant des politiques indispensables.

Dans le domaine gazier, les perspectives sont plutôt positives pour la région, en particulier pour l'Ouzbékistan.