Eclairage scientifique par Jean-Philippe Lachaux L'effet des distractions externes sur le Regard et l'Attention. Si les mouvements de l'attention et du regard sont si souvent couplés, c'est parce que les régions du cerveau concernées par ces deux mécanismes sont voisines, voire franchement superposées, notamment dans le lobe pariétal et le lobe frontal. Cela a conduit par exemple le chercheur italien Giacomo Rizzolatti à proposer avec ses collègues de Parme que les déplacements de l'attention (vers la droite, la gauche, etc.) ne sont peut-être que des préparations à aller voir ce qui s'y trouve en déplaçant le regard. Que cette hypothèse soit tout à fait vraie ou non, il n'en demeure pas moins que ces deux types de déplacement ont tous les deux pour but de favoriser la prise d'informations provenant d'une région donnée de l'espace, et il est donc naturel et efficace qu'ils soient très dépendants l'un de l'autre dans le cerveau. Les déplacements du regard, voire "les tentations d'aller voir", sont donc deux phénomènes extrêmement intéressants pour comprendre sa propre dynamique attentionnelle (ce qu'"aime" notre système attentionnel) notamment dans des environnements très distrayants. Les distractions externes Personne ne connaît précisément les mécanismes qui gouvernent nos pensées et ce qui se passe dans notre cerveau quand nous sommes dans la lune, mais les choses avancent vite. Plusieurs chercheurs, comme Jonathan Schooler, Jonathan Smallwood ou Ann Kristof au Canada et en Angleterre, ont popularisé le concept de mind wandering, souvent traduit par "vagabondage de l'esprit". Il caractérise ces moments où nous devrions être concentrés, mais où nous nous perdons en petites rêveries sans aucun lien avec la tâche à accomplir. Cela vous dit quelque chose ? Un réseau de régions cérébrales semble assez spécifiquement actif pendant ces périodes: le "réseau par défaut". Le réseau par défaut doit son nom à la manière dont il a été découvert lors de l'avènement de la neuroimagerie dans les années 1990. Les chercheurs avaient constaté qu'un ensemble très systématique de zones du cerveau réduisait son activité dès qu'une personne engageait activement son attention vers son environnement extérieur pour réaliser une tâche. Ces zones furent qualifiées collectivement de "réseau par défaut", car elles semblaient être actives dès qu'une personne ne fait rien de spécial et donc à défaut de faire quelque chose de spécial. Or, que fait-on typiquement quand on s'ennuie et qu'on attend que la tâche commence ? Je vous laisse deviner. Cette intuition d'une relation entre rêverie et réseau par défaut fut confirmée par les auteurs suscités dans une série d'études interrompant de temps à autre les participants pendant la réalisation de tâches monotones : à chaque fois qu'ils rapportaient s'être un peu perdus dans leurs pensées, l'activité du réseau par défaut était élevée. Et au fil de l'expérience, les moments où son activité était la plus basse se trouvaient être ceux où les participants réagissaient le mieux à la tâche. Par ailleurs, un examen approfondi des régions du réseau par défaut révèle qu'elles participent d'ordinaire à des processus de simulations mentales (imaginer des situations, mettant notamment en jeu des interactions sociales), de mémoire épisodique (se souvenir d'événements qu'on a vécus), de jugement sur soi-même ... bref, tout ce qui semble nous occuper l'esprit si souvent dans une journée quand nous ne sommes pas activement concentrés sur une tâche. La preuve n'est pas encore complète, mais il semble bien que ce réseau par défaut soit bien le moyen de transport le plus direct pour aller "dans la lune"!