« Je crois voir en cette œuvre ce que sont pour chaque homme ses joyeuses
années de jeunesse, dont il ne peut plus retrouver telle quelle la floraison ».
C’est ainsi que Carl Maria von Weber jugeait l’Enlèvement au sérail, composé :
par un Mozart de 26 ans déjà à l’apogée de sa maturité musicale.
On est d’emblée séduit par l’audace de la jeunesse alliée à la parfaite maîtrise
qui fait naître les chefs-d’œuvre. Dès l’ouverture où retentissent triangles et cymbales,
la partition entraîne par son irrésistible allégresse, et s’impose par la maîtrise de ses effets.
La coloration orientale de la musique, nécessaire à l’exotisme de cette « turquerie »,
suscite d’étonnantes recherches modales. L’Enlèvement connut d’emblée un immense succès,
nullement entaché par la fameuse remarque attribuée à l’empereur Joseph II :
« Trop de notes pour les oreilles de mes Viennois » (ce à quoi Mozart devait répliquer fièrement : « Pas une de trop, Sire ! »).
Chaque personnage est nettement individualisé par le déploiement de ses émotions qui s’épanouissent à travers la musique.
Constance, rôle empreint d’une majestueuse poésie caractérisée par la virtuosité, s’oppose à la charmante vivacité de Blond
e qui annonce la pétillante Susanna des Noces. Leur cruel persécuteur, le ridicule et irascible Osmin, est d’une parfaite efficacité
comique.Avec ce singspiel (comédie en musique) haussé à la dimension d’un ouvrage lyrique, Mozart réalise enfin son rêve d’écrire
une grande œuvre en allemand au moment où il s’affranchit de la tutelle de son employeur, Colloredo et de celle de son père,
en épousant Constance Weber, quinze jours après la première de l’Enlèvement. Derrière son apparente légèreté, l’ouvrage
révèle la profondeur d’une personnalité musicale qui s’affirme en se tournant résolument vers l’accomplissement de son exceptionnelle créativité. : :
Carl Maria von Weber est issu d'une famille vouée à l'art depuis longtemps. Son père, Franz Anton, se déclare baron de son propre chef. Il débute comme officier et finit comme directeur de différents groupes dramatiques obscurs. C'est néanmoins un excellent violoniste. Les cousines de Carl Maria, Josepha, Aloysia, Constanze et Sophie (filles du frère de Franz Anton, Franz Fridolin) atteindront une grande réputation comme chanteuses. Mozart, après avoir été éconduit par Aloysia, épousera Constanze, devenant ainsi cousin de Weber par alliance3.
Carl est un enfant souffreteux, doté d'une maladie héréditaire de l'articulation de la hanche qui l'empêche de marcher avant l'âge de quatre ans. Il voyage néanmoins beaucoup et on lui enseigne très tôt le chant et le piano.