Une des expériences cinématographiques représentant peut-être le mieux le concept du néant est surement Enter the void (2010) de Gaspar Noé. Film métaphysique sur les états modifiés de conscience, Noé nous propose une oeuvre mortifère librement inspiré du Livre des morts tibétains de Padmasambhava, ouvrage bouddhiste tibétain relatant des étapes successives lors de la décorporation, de la mort à la réincarnation de l’âme dans un nouveau corps. Oscar, se livrant au deal et adepte de drogues psychotropes (Diméthyltryptamine) est un soir dénoncé à la police par l’un de ses amis. Abattu dans les sanitaires d’un bar, nous suivons l’errance de son esprit dans un Tokyo psychédélique, épileptique. La force de ce film au regard du concept du néant prend sens dans la pénétration (parfois très littérale) dans l’inconnu. Quand nous croyons être aller au plus loin dans une boucle temporelle du film, la suivante nous égare encore plus, perdant le spectateur dans un maelström de sensations relevant du malaise et de la nostalgie. Ce malaise est notamment opéré par un travail sur les sens du spectateur, avec l’emploi prolongé d’infra-basses, de musiques distordues (comme avec la reprise d'Air de Bach par Delia Derbyshire de 1971), d’images vibrantes, de couleurs absentes comme le bleu. Le but étant, par le biais des phénomènes sensoriels rares la simulation d’un voyage cosmique étonnant. À l’image de 2001, l’odyssée de l’espace, que Noé cite comme référence principale, cette oeuvre n’a pas pour vocation de poser des concepts existentiels sur la table. Il est voulu comme une expérience à prendre telle quelle, brute, nous transportant dans un état second, vers une fin plus qu’attendue, au bout de 2h40 de délire éprouvant.