La lecture de l’EEG est fondamentalement une expérience de plasticité et d’altération, comme une expérience musicale - l’évolution de lignes qui montent et descendent, de sinusoïdes évoluant dans le temps et sous la pression d’évènements (ouverture ou fermeture des yeux, hyperpnée, stimulation lumineuse intermittente). Par l’EEG continu diagnostique, la vie cérébrale, celle qui est liée à ce qui pense (res cogitans, Descartes), est aperçue enveloppée (pliée) dans le temps et non plus exposée (étendue) dans l’espace. Par sa structure plissée, l’EEG est à la fois baroque (c’est-à-dire irrégulier), monadique (porteur de multiples compossibles) et fractal (la modification de l’échelle temporelle d’amplitude des enregistrements montre une structure largement similaire) . L'EEG nous rappelle ce qu’est le devenir naturel de l’être humain. L’EEG continu constitue le moyen unique de monstration de la souffrance (en IRM, on voit la lésion, non la souffrance) et de la mort cérébrales (c’est le seul examen de diagnostic de la mort cérébrale, compris comme arrêt d’une activité, en l’occurrence électrique), même si l’on a de la souffrance et de la mort cérébrales que des définitions bien imparfaites. Et ce n’est pas une expérience badine que d’interpréter un tracé de mort cérébrale quand on est physiologiste du système nerveux. Cette expérience d’une symphonie (celle du malade) ainsi achevée nous renvoie plus ou moins consciemment à celle (encore inachevée) que nous, êtres-pour-la-mort (Sein zum Tode), nous (nous) jouons aussi et dont nous savons qu’elle se termine par un point d’orgue similaire. L’EEG nous ramène avec Heidegger à l’angoisse (qui fait advenir la vérité de l’être comme néant) et au souci (cette disposition qui ramène à elle toutes les déterminations de l’être de l’homme, toutes ses possibilités comme déjà-au-monde et déjà-en-avance). Ainsi, l’EEG, bien plus que l’IRM, nous conduit à penser aux confins de l’être.